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6 décembre 2013 5 06 /12 /décembre /2013 14:59

tobermory-1.jpgOn se demande souvent comment l’inspiration vient à un romancier et comment il donne de « la chair » à son roman. On prétend à juste titre que cette inspiration vient la plupart du temps de l’observation des choses de la vie courante, de scènes vécues transposées au plan romanesque. Le contenu d’un roman, tout ce qui enrobe la narration ( ce que j’appelle « la chair » du roman ) et tout particulièrement les descriptions de scènes ne seraient que la transposition du réel dans un univers imaginaire. Pour illustrer cela, je vais vous rapporter une expérience que j’ai vécue pas plus tard que ce matin. J’étais installé à la terrasse couverte d’un café dans le centre ancien de Draguignan. Les clients étaient assez nombreux et très différents les uns des autres. Il régnait sur cette terrasse fermée une ambiance chaleureuse, agréable, propice à l’envol de mon imagination. J’étais venu pour lire quelques chapitres d’un polar mais, tout en lisant, je me suis laissé allé à observer les gens autour de moi. Les conversations allaient bon train et des bribes de celles-ci me parvenaient au milieu de ma lecture. Je me suis imaginé mon personnage favori du moment, Tragos, présent à ma place sur cette terrasse. J’ai sélectionné, dans le produit de mes observations, ce qui était de nature à alimenter une description, ce qu’en peinture on appelle « une scène de genre ». En rentrant chez moi, je me suis livré à un exercice de style. J’ai rédigé un texte « brut de décoffrage » qui mériterait d’être retravaillé, certes, mais qui pourrait ressembler à ce qui suit :

 « Tragos pénétra sur la terrasse abritée des frimas de l’hiver par un auvent fermé et chauffée par des rampes à infrarouges. Il avisa dans un angle une table libre et s’y installa. Il avait emporté avec lui son polar dont le signet dépassait légèrement. Il s’aperçut qu’il en avait déjà lu les trois-quarts. Mais, l’ambiance chaleureuse de la terrasse et le bruit des conversations des nombreux clients qui se tenaient là le détournaient de sa lecture. Une femme âgée entra, chercha des yeux un endroit favorable  et, après quelques hésitations, s’approcha à petits pas pour venir s’asseoir à la table voisine de la sienne. A quelques pas, un groupe de jeunes filles attablées autour d’un café fumant devisaient en riant. Elles ressemblaient à de modestes employées de grandes surfaces, caissières, manutentionnaires ou agents de rayon. Enfin, c’est ce qu’il se crut en droit d’imaginer au vu de leur allure générale, de leur mise vestimentaire et des quelques bribes de conversations qu’il put saisir. L’une d’elles qui tenait le crachoir expliquait son parcours professionnel chaotique. Tragos crut comprendre qu’après avoir dû démissionner, elle avait fait plusieurs intérims avant de pointer au chômage. Un peu plus loin, un couple de quinquagénaires échangeait en plaisantant autour d’un chocolat chaud. Ils avaient l’air amoureux. Dans l’angle opposé, celui qui était adossé au café, trois hommes parlaient fort. L’un d’eux surtout, un grand barbu rougeaud. Il racontait aux deux autres son séjour en Californie. Tragos l’entendait  vanter les beautés de San Francisco, la vue qu’on avait sur le Golden Gate depuis la pagode et l’extraordinaire foisonnement des hortensias en fleurs du jardin japonais. Ses compagnons l’écoutaient religieusement et, de loin en loin, l’approuvaient arguant de sensations analogues dans d’autres villes de la planète. De l’autre côté de la table où se tenaient les jeunes filles, une femme vint s’installer. Elle approchait de la quarantaine. Tragos la voyait de profil et ne put s’empêcher de l’examiner à la dérobée. Elle était jolie et semblait perdue dans ses pensées. La patronne, car la femme fardée qui se tenait debout devant lui et qui avait largement dépassé la soixantaine ne pouvait être une employée, lui demanda ce qu’il souhaitait consommer. Un café, un américain, répondit-il sans quitter des yeux son livre. Un allongé,  corrigea pour elle-même la femme en s’éloignant. La vieille qui s’était assise à la table voisine s’adressa à la jeune femme qui était venue la rejoindre et qui lui faisait face pour lui demander ce qu’était un « allongé ». C’est un café que l’on allonge avec un peu d’eau chaude, d’où son nom d’allongé, lui répondit l’autre, avec une gentillesse affectée. La vieille, satisfaite de cette explication, se concentra de nouveau sur la feuille qu’elle avait présentée à son amie. C’était à l’évidence une facture comme avait pu le constater Tragos d’un coup d’œil indiscret. Il s’agissait fort vraisemblablement d’une jeune femme qui l’aidait à gérer ses papiers et à régler ses dépenses puisqu’elle entreprit de lui remplir un chèque que la vieille femme signa d’une main tremblante. La jeune femme au profil de déesse romaine avait toujours les yeux perdus vers l’horizon de la rue qui traçait sa perspective vers la place du marché. Tragos la trouvait de plus en plus jolie. Il se demanda si une aussi belle femme pouvait le remarquer. Un pochard vint s’installer sur la terrasse extérieure malgré le froid mordant. La patronne sortit prendre la commande et revint avec une bière pression. L’homme avait le visage rougi par l’alcool et le froid. Deux tables plus loin, une femme d’une soixantaine d’années, emmitouflée dans un manteau de fourrure défraîchi, la tête enfouie dans un bonnet enfoncé jusqu’aux yeux, consommait un café fumant en s’absorbant dans ce qui ressemblait à un dossier administratif, à moins que ce ne soit médical,  songea Tragos en voyant la mauvaise mine de la femme, son teint hâve et ses yeux rouges et dilatés. A la différence de son voisin, elle n’avait rien d’une pocharde mais tout d’une malheureuse luttant contre l’indigence et la maladie. A l’instant où il quittait des yeux ce spectacle affligeant, Tragos vit que la jeune femme s’était levée et gagnait la sortie. Au moment de franchir la porte, elle se tourna vers lui et lui adressa un sourire. Tragos suivit des yeux sa silhouette féline qui s’éloignait en rapetissant  jusqu’à ce qu’elle ne fut plus qu’une poupée minuscule au coin de la place du marché. Il hésita un instant à se lever pour la suivre. Lorsqu’il prit conscience du caractère rédhibitoire de son indécision, la jeune beauté avait disparu. Alors, il  se replongea dans la lecture de son polar. »

     Voilà comment je me suis décentré pour laisser la place à mon personnage central, comment je l’ai plongé au cœur d’une situation vécue en extrapolant pour en faire une scène potentielle de roman. Ce type de scène est-il indispensable, apporte-t-il quelque chose au roman ? Certainement, car il permet soit de donner de l’épaisseur à un personnage, soit de créer une atmosphère qui, additionnée et combinée avec celle d’autres scènes, donnera au roman sa tonalité. Si, par exemple, je me pose le même type de question quant à l’utilité de la scène du pub sur l’île de Mull ( Extrait ci-dessous ) où le commissaire Payardelle, le personnage principal de « Rejoins la meute » déjeune en compagnie de ses collègues, je dirais que c’est parce que j’ai moi-même vécu cette situation dans un autre contexte et qu’elle m’a paru de nature à refléter au mieux l’atmosphère de l’endroit dans lequel j’avais envie d’immerger mes personnages. Pourquoi adore-t-on l’ambiance des romans de Fred Vargas ? En premier lieu, grâce à ses personnages mais aussi grâce aux lieux dans lesquels ils évoluent et qu’elle sait créer de toutes pièces…ou presque.

    « Après une installation rapide dans leur résidence, les trois hommes emboîtèrent le pas de Mac Laughlin qui les entraîna vers le seul pub du village, bondé comme une station de métro à l’heure de pointe. Il y avait, entre l’aspect désolé et désertique du port et la densité de la foule agglutinée au bar ou entassée dans la salle de restaurant, une telle distorsion que Théo ne put s’empêcher de s’interroger à haute voix sur l’origine de cette cohue.

    - Pour la plupart, ces gens travaillent dans le secteur : pêcheurs, employés du ferry, ou alors touristes ou simples autochtones venus se distraire le temps du repas, il y a du monde finalement sur cette île, expliqua Mac Laughlin. Et c’est le seul pub jusqu’à Tobermory, à quinze miles d’ici. Mais, vous allez voir, la patronne va nous trouver une place.

    Et, effectivement, au terme d’à peine dix minutes d’attente, ils parvinrent à trouver place à une table, installés entre deux mécaniciens du petit chemin de fer touristique, couverts de cambouis, et deux mamies obèses et volubiles, attablées devant un fish and chips copieusement garni de sauce. Visiblement ravi de trouver trois compères avec lesquels deviser et boire quelques pintes, Mac Laughlin, avec la complicité de l’aubergiste, était parvenu à les faire servir rapidement. Tout en déjeunant, le volubile retraité retraçait son parcours, sous le regard à la fois blasé et attendri de Mac Pherson qui avait dû entendre cent fois déjà le récit de ses exploits.

    - J’ai travaillé un peu partout dans le pays et notamment à Edimbourg, avec ce brave Mac Pherson, avant qu’il n’entre au Yard. J’ai fini ma carrière ici car c’est sur cette île que je suis né. Comme j’avais hérité une maison de mes parents, je m’y suis installé définitivement pour ma retraite que j’ai prise voilà deux ans. En qualité de constable, c’est moi qui ai dirigé l’enquête sur les trois meurtres. Des collègues du Yard sont venus me prêter main forte car les recherches ont été croisées avec les assassinats de Linlightgow et de Stirling. Mac Pherson était en France à cette époque.

    Mac Laughlin ne parlait pas un traître mot de français. Mac Pherson parvenait à traduire sans trop de difficulté. Nul ne prêtait à proprement parler attention à leur conversation mais, de temps à autre, des regards se tournaient vers eux lorsque l’un des Français prenait la parole où que, dans le brouhaha de la salle, une phrase prononcée trop fortement et parlant de meurtres, éveillait la curiosité de leurs voisins. »

 

 

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6 décembre 2013 5 06 /12 /décembre /2013 09:28

En cette période des Fêtes où le livre reste un cadeau apprécié, c'est le moment de soutenir nos librairies indépendantes avec lesquelles nous travaillons toute l'année, nous auteurs, au travers de nos séances de dédicaces. Mais le libraire est avant tout au service du lecteur. Il est le meilleur médiateur entre le public et nous. C'est lui qui sait orienter le lecteur indécis, qui connaît son fonds de livres et peut en parler mieux qu'un simple texte de quatrième de couverture ou les commentaires quelquefois échevelés que l'on trouve sur les sites marchands. C'est aussi elle ou lui qui sait mettre en valeur les ouvrages des auteurs qu'il héberge pour une séance de signatures. Je n'en veux pour preuve que la spendide vitrine que m'a consacrée la librairie Lo Païs de Draguignan et qu'on peut voir sur la photo qui accompagne l'article précédent. Soutenons aussi les libraires en signant la pétition ci-dessous car, sans cadre législatif solide, les grands sites marchands vont écraser les petites librairies et se retrouver en situation de quasi-monopole. C'est un mode de rapport au livre qui est en jeu.

 

http://www.jesoutiensmonlibraire.be/signez-la-petition/

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5 décembre 2013 4 05 /12 /décembre /2013 17:14

vitrine-5.jpgEn me rendant à la librairie Lo Païs où je serai en séance de dédicaces ce samedi 7 décembre, j'ai au une agréable surprise en découvrant la vitrine aménagée par Véronique, la libraire. C'est cela les librairies indépendantes et c'est pour cela que je les aime. Vous ne trouverez jamais l'équivalent sur Amazon ou sur les autres sites marchands. Bravo et merci.

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3 décembre 2013 2 03 /12 /décembre /2013 21:02

la-plage.jpgLa lecture procure parfois le plaisir de rencontres inattendues et des raccourcis étonnants. Je suis actuellement occupé à lire un polar passionnant signé Domingo Villar et intitulé « La plage des noyés ». Je le trouve particulièrement agréable. A plusieurs reprises, je me suis dit que j’éprouvais autant de bien-être à le lire qu’un Vargas. Je me suis même dit que l’ambiance de ce bouquin était proche de celle d’un Vargas.  Et, soudain, au détour d’une page ( la page 77 pour ne pas la citer ), voilà que je tombe sur le passage suivant : «  Il repensa au roman policier d’une auteure française qu’Alba lui avait offert quelques années plus tôt. Il en avait oublié la trame mais il se souvenait de Joss, un des personnages, un ancien marin qui avait embrassé la profession de crieur sur une place de Paris… ». Ceux qui aiment et qui connaissent Fred Vargas auront reconnu immédiatement en Joss l’un des personnages de « Pars vite et reviens tard ». Moi qui suis un aficionado de Vargas, vous imaginez ma réaction et mon plaisir. Toujours l’effet de renforcement qui fait tant de bien quand on lit. Je pressens que cet auteur espagnol que je ne connaissais pas va entrer dans mon panthéon du polar.

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3 décembre 2013 2 03 /12 /décembre /2013 09:58
Les bavardes "Les Bavardes" sont muettes actuellement. Je suis au point mort. J'ai introduit trop tôt dans l'histoire un rebondissement qui casse un peu l'intérêt de l'intrigue. J'allais donc remettre mon ouvrage sur le métier et sans doute effacer une bonne dizaine de pages quand je me suis dit que c'était dommage. C'était un peu comme le peintre qui efface une partie de sa toile pour la reprendre et qui se prend à le regretter. Je me suis donné le temps de la réflexion. Et puis, soudain, l'illumination : un subterfuge qui va me faire faire l'économie de ce sacrifice douloureux. Il suffira de modifier quelques passages sans rien effacer. Je vais laisser reposer cette nouvelle idée et, quand elle sera décantée, Je reviendrai à l'écriture. Des nouvelles donc quand j'aurai repris le chantier. pour l'heure, je suis penché sur mon second manuscrit que j'affine, paragraphe par paragraphe. C'est un récit autobiographique qui fait diversion avec le polar, quelque chose qui parle de mon enfance et de ma jeunesse et qui s'apparente à "La guerre des boutons" de Louis Pergaud, toute prétention mise à part. mais ma priorité reste "Les Bavardes" que je compte achever pour le printemps.

 

 

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2 décembre 2013 1 02 /12 /décembre /2013 14:08

le-christ-jaune.jpgLe 7 décembre, je dédicacerai entre autres Le Christ jaune, mon deuxième polar publié en 2010. En voici un extrait pour vous donner l'envie de le lire si ce n'est pas encore fait. Le fil de l'intrigue conduit mon personnage principal aux quatre coins de la France et de l'Europe. Dans cet extrait, il décide de passer la nuit dans le musée du Belvédère à Vienne où il pressent qu'un "casse" va se produire :

Vienne, le 25 mars 2009, 22 heures

Dans un premier temps, François Lemel avait fixé son attention sur les écrans reliés à des caméras chargées de filmer les endroits stratégiques du musée. Ils renvoyaient les images d’un lieu que la nuit avait figé. Chaque salle, chaque couloir, chaque carrefour de circulation était visualisé. Personne ne pouvait se mouvoir à l’intérieur du bâtiment sans être vu. Le moindre mouvement aurait été détecté. Un rayon laser courait, de capteur en capteur, tout autour de chaque salle empêchant quiconque de s’approcher des tableaux sans déclencher une alarme stridente capable de tirer de leur sommeil les habitants du quartier. Cet endroit semblait plus inviolable que le tombeau d’un pharaon. François Lemel était resté de longues minutes figé dans la contemplation de cet univers immobile avant de laisser son regard glisser ailleurs, comme on le fait lorsqu’on se lasse de regarder par une fenêtre derrière laquelle rien ne se passe. Les deux gardiens se tenaient assis devant leur immense tableau de commande dont les dizaines de leds vertes allumées témoignaient ainsi du fait que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Les rondes étaient programmées toutes les deux heures et duraient invariablement une vingtaine de minutes, le temps de parcourir à pas normaux un circuit qui couvrait les trois étages, constitués chacun de deux galeries parallèles que séparait un couloir et de quatre salles réparties deux à deux à chaque extrémité. Le Baiser de Klimt ou sa copie se trouvait dans l’une de ces salles, au second étage. La caméra ne permettait d’entrevoir que son tiers gauche mais il était visible et, régulièrement, François Lemel accordait à cet écran une attention plus soutenue. Chaque ronde était effectuée par un seul gardien qui, immuablement, commençait par l’extrémité est du rez-de-chaussée pour revenir par le côté ouest après avoir descendu les cent-vingt marches d’un escalier monumental. Le gardien resté dans la salle de contrôle voyait, à intervalles rapprochés, passer alternativement sur les différents écrans la silhouette de son collègue qui, de temps en temps, lui lançait un signe qui voulait dire « Tout va bien ». La première ronde démarrait à neuf heures et la dernière à cinq heures. François Lemel avait obtenu le droit d’accompagner le plus jeune des vigiles pour la ronde de onze heures. Dans le silence et la semi-obscurité, le musée vide devenait un lieu glacial et menaçant, un lieu hostile dans lequel rien n’était plus certain et où l’imagination se débridait. On imaginait aisément les faunes des tableaux sortir de leur toile pour danser un ballet diabolique ou encore Diane chasseresse vous décocher une flèche en plein cœur. Lemel dont la jeunesse avait été marquée par le feuilleton Belphégor sentait remonter à la surface de vieilles peurs qu’il croyait disparues. Le halo de la lampe-torche du gardien promenait sur le plancher luisant son balayage régulier. En revenant dans la salle de contrôle, l’homme nota sur un registre l’heure de fin de ronde et une courte mention pour indiquer que tout allait bien.

La fatigue commença à se faire réellement sentir sur le coup des deux heures. Les deux gardiens avaient acquis un biorythme qui les mettait à l’abri d’un coup de pompe, tout au moins le croyaient-ils, mais ce n’était pas le cas du galeriste qui repoussait autant qu’il le pouvait le moment où il allait devoir s’allonger sur la couche de fortune qu’on avait préparée à son intention. La nuit avançait sans que rien ne se passât et François Lemel commençait à s’interroger sur le bien-fondé de son analyse et de leur présence dans cette ville. Il avait été convenu de laisser les téléphones portables branchés et il savait qu’à tout moment, il pouvait appeler Mirecourt, comme celui-ci s’était également engagé à le faire.

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30 novembre 2013 6 30 /11 /novembre /2013 11:09

108 0025De tous mes polars, celui qui connaît l’accueil le plus contrasté est sans contexte « Le secret des Toscans ». Les avis sont majoritairement positifs et nombreux sont les lecteurs qui me disent que, de tous mes romans, c’est celui qu’ils ont préféré. Mais il suscite néanmoins le débat. « Le secret des Toscans » ne laisse pas indifférent.  Deux motifs essentiels sont avancés à l’appui des avis favorables comme à celui des avis plus nuancés, voire défavorables. Il y a d’abord la dimension historique. Les polars historiques constituent une catégorie à part qui ne rallie pas tous les suffrages des amateurs de polars. Je le constate sur les salons. Il y a les trois catégories de lecteurs : ceux qui aiment indifféremment les polars historiques et contemporains, ceux qui sont résolument partisans des polars historiques et les fans des polars contemporains. Ensuite, il y a la structure même du livre qui présente un double aspect : d’un côté, l’alternance de deux récits décalés dans le temps et je dirais même de plusieurs récits et, d’un autre côté, la construction du récit sur le modèle du puzzle. Ces deux aspects du roman peuvent dérouter, j’en ai bien conscience, mais, à mes yeux, et, heureusement, aux yeux de nombreux lecteurs qui en ont témoigné, ils fondent l’intérêt même du livre. Pas plus tard que cette semaine, j’ai reçu un témoignage très intéressant d’une lectrice qui découvrait Le secret des Toscans :

Je suis en train de lire "Le Secret des Toscans" : je n'en suis qu'au tiers de ma lecture...
Je le trouve très riche en événements et détails historiques et très bien écrit comme tous vos livres d'ailleurs. Le sujet néanmoins me passionne un peu moins, tout simplement  parce que l'accent est davantage mis sur le côté "Histoire" et qu'il est difficile de "jongler" avec toutes ces dates, tous ces "retours en arrière"...  même si, je le comprends aisément, cela doit être nécessaire au maintien d'une certaine ambiance, un certain climat ainsi qu'à la compréhension finale... mais la partie enquête me tient en haleine... donc je poursuis ma lecture avec un grand plaisir...

Ce témoignage illustre à merveille ce que j’exposais plus haut. Cette lectrice préfère de loin les polars contemporains, ne déteste pas les polars historiques ( Elle a adoré « 24 » ) mais elle est perturbée par les passages fréquents d’une époque à une autre et la surabondance en détails historiques de certains chapitres. Un autre commentaire témoigne du même problème.                                                                                                                                                                                                                                                                                                          

                                                                                                                                                                                                                                                             J'ai eu un peu de mal au début à passer de l'année 1587 à 2007 puis retour en arrière à l'année 1494, etc...
Passés les premiers chapitres, l'enquête prend corps, avec des bons rebondissements à partir du tiers de l'ouvrage, rebondissements qui s'enchainent jusqu'à la fin du roman.
Chapeau à l'écrivain qui a su me tenir en haleine, malgré ma difficulté à m'adapter aux périodes si différentes, mais qui s'enchainent malgré tout.

Mais, les deux avis manifestent explicitement le même intérêt pour l’intrigue. C’est l’essentiel.

Quand j’ai entrepris l’écriture de ce roman, j’avais pour modèles des ouvrages tels que « La vie, mode d’emploi », de Pérec ou encore « Winsburg, Ohio », de Sherwood Anderson. Je voulais que le lecteur ne soit pas guidé par l’auteur dans le décryptage de l’intrigue mais qu’il la reconstruise lui-même, à la manière d’un amateur de puzzle. Toujours cette obsession de la fable et du sujet ou l’influence de l’école formaliste. Cette approche est devenue courante dans le cinéma et elle est acceptée mais, dans la littérature, elle dérange encore.

 J’ai retrouvé la même structure dans l’excellent « Livre des morts » de Glenn Cooper auquel je pense avoir consacré une chronique sur mon blog. Des récits parallèles qui se déroulent à des époques éloignées et qui entretiennent entre eux des rapports qui vont en se resserrant au fil du livre jusqu’à ne plus constituer qu’un seul récit. Un autre témoignage, oral celui-là, m’a confirmé lors d’une séance de dédicaces que c’était justement cette dimension qui attirait certains lecteurs.

Cette controverse me donne à penser que « Le secret des Toscans » n’est pas un roman anodin et qu’il a la dimension d’un roman expérimental. Les œuvres qui dérangent, qui bousculent les représentations sont souvent majeures par rapport aux autres. C’est peut-être pour cette raison que, de tous mes romans, c’est sans doute du « Secret des Toscans » dont je suis le plus fier.

 

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29 novembre 2013 5 29 /11 /novembre /2013 13:20

le-tableau-vole-copie-1.jpgQuand, comme moi, on connaît Bruges pour s’y être rendu à maintes reprises et l’avoir visitée de long en large, on ne peut que se régaler à la lecture de ce polar dont l’action est concentrée, pour l’essentiel, dans l’un des fleurons des Flandres. La ville est en ébullition car elle se prépare à accueillir une exposition exceptionnelle dont le joyau sera la célèbre œuvre de Picasso, « Guernica »  qui, en cette occasion, quitte pour la première fois le territoire ibérique. On attend même la visite du premier ministre espagnol pour une cérémonie d’inauguration qui mobilise l’ensemble des forces de sécurité de la cité, avec à sa tête le commissaire Van In. Mais voilà qu’à quelques jours de la cérémonie, une agression est commise contre un membre du personnel de la sécurité du musée Groninge, très vite suivie d’une autre sur le fils du responsable de la sécurité, accompagnée du meurtre d’un inconnu sur les bords du canal. Van In et son épouse, le juge Hannelore Maertens, entament une délicate enquête qui s’ouvre sur une question en forme d’alternative : ces violences sont-elles en rapport avec la venue du premier ministre espagnol qui serait visé par un attentat ou laissent-elles présager une menace contre le chef-d’œuvre qui doit arriver sous peu ? Terrorisme politique et délit de droit commun se combinent dans une intrigue complexe mais bien structurée. Il y a de l’action à défaut d’un suspense haletant car on connaît très vite les protagonistes qui feront le dénouement. Seules leurs motivations restent obscures. L’écriture est agréable et les références culturelles et historiques ne gâchent rien à l’affaire. Par contre, si le personnage de flic atypique et le couple flic-juge sont devenus des phénomènes récurrents en matière de polars, les caractères dépeints au travers du commissaire Van In et de sa compagne, le juge Maertens, confinent à la caricature. Alcool, sexe, désinvolture et insoumission sont un peu trop présents tout au long de ce roman et, là où d’autres y trouveraient peut-être le piment de l’histoire, ce surdosage en altère à mes yeux la saveur. En résumé, un polar intéressant dont les quelques petits défauts soulignés ne remettent pas en cause l’intérêt global. A découvrir.

La tableau volé, de Pieter Aspe, Le livre de poche, mai 2013, 323 pages,  6 euros 90.

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28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 10:11

JM-chez-Lenoir.jpgIl y a des moments où je me demande si je ne suis trop replié sur ma littérature, en d’autres termes trop autocentré. Et puis, très vite, je finis par me dire qu’être romancier, c’est un métier. Un métier dont je ne vis pas mais qui me procure un tel bien-être que je serais bien bête de ne pas lui consacrer la plus belle part de mon temps, à condition bien sûr de ne pas oublier mes proches et mes amis. Un métier, c’est prenant, surtout lorsqu’on l’aime et qu’il vous procure du bien-être. Alors, pourquoi me priver du plaisir de parler de mes polars, d’en publier des extraits, de passer des heures à écrire, que ce soit mes manuscrits en cours ou des chroniques sur mon blog. En plus, il y en a parmi vous que ça intéresse visiblement. Mes statistiques le confirment, sur Facebook ( Plus de 80 visites pour certaines publications ) comme sur le blog ( Une moyenne de 2000 pages visitées mensuellement ). Le métier de romancier ne se cantonne pas à l’activité d’écriture. Il y a aussi les à-côtés, ce que l’on appelle la communication.  Je suis à dix jours d’une séance de dédicaces dont j’ignore si elle ne va pas tenir du « Désert des Tartares » ou de « Sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? ». Et, pourtant, j’attends avec impatience, je dirais même avec gourmandise, le bonheur de passer ma journée dans un lieu empli de livres, de côtoyer les libraires, de rencontrer des gens avec qui parler littérature, polar et de découvrir de nouveaux visages qui viendront renforcer les rangs de mon lectorat. Il est impossible d’être sur tous les fronts mais, actuellement, je multiplie les contacts pour être présent sur les lieux névralgiques. Toulon est un salon généraliste comme la plupart des salons auxquels j’ai participé jusqu’à présent. Je souhaite désormais m’orienter vers des manifestations plus spécialisées dans le polar. C’est le cas du salon de Villeneuve-lez-Avignon pour lequel j’ai commencé à planter des jalons dès hier et auquel j’espère pouvoir participer en 2014. Je suis aussi sur les rangs pour être membre du jury d’une des plus grandes manifestations dédiées au polar en France. J’aurai une réponse en décembre. Pour couronner le tout, il y a la sortie des romans qui constitue aussi une source d’ineffable plaisir.  Toute la période qui précède la publication d’un livre, l’attente des premiers exemplaires envoyés par l’éditeur, la découverte du produit fini et, ensuite, la mise en place de la campagne de promotion : service de presse, signatures, interview de la presse écrite ou d’une chaîne de télé ( Comme ce fut le cas avec berbère TV ). Tous ces à-côtés jubilatoires font équilibre à l’aspect ingrat de l’activité d’écriture qui, comme c’est le cas en ce moment avec « Les Bavardes », peut vous amener à piétiner, à remettre cent fois l’ouvrage sur le métier, à tourner en rond. Heureusement, j’ai deux manuscrits en cours et je peux passer de l’un à l’autre car ils sont de nature totalement différente. Enfin, il y a les retours, les témoignages des lecteurs, les avis, les commentaires qui sont dans leur quasi-totalité élogieux et qui font tant de bien. C’est ce que les psychologues appellent « l’effet de renforcement ». C’est la raison pour laquelle, vous qui avez lu mes polars et qui les avez appréciés, n’hésitez pas à l’écrire sur mon blog ou sur ma page Facebook, ou sur tout autre vecteur de communication. C’est une satisfaction pour l’auteur mais c’est aussi une forme de prescription efficace en direction de ceux qui ne les auraient pas encore lus. C’est tout cela le métier de romancier et beaucoup d’autres choses encore dont j’aurai l’occasion de reparler, et notamment de l’activité de chroniqueur.  

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28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 08:07

le-tableau-vole.jpgJ'ai pris le parti de publier des citations que je trouve dans mes lectures. Il arrive que certaines m'interpellent plus que d'autres. Ainsi, celle-ci, recueillie dans la bouche du commissaire Van In, le personnage principal du " Tableau volé" de Pieter Aspe :

 

" Enfin quelqu'un qui reconnaît mon talent ! Après l'amour, n'est-ce pas ce qui fait le plus de bien ? "

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