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9 février 2014 7 09 /02 /février /2014 19:37

l-oracle.jpg« L’oracle della luna » n’est pas à proprement parler un thriller comme l’annonce la quatrième de couverture mais plutôt un roman d’aventure. C’est aussi un roman historique initiatique. Dans « L’oracle della luna », il y a des éléments qui tiennent à la fois du roman picaresque et du roman courtois. Le parcours initiatique de Giovanni est aussi un roman d’amour pris dans la tourmente d’un XVIe siècle en proie à l’affrontement contradictoire d’un extrême raffinement culturel et d’une violence quelquefois mise au service de la religion et de ses déclinaisons extrêmes. Les aventures de Giovanni relèvent également d’une forme de romantisme qui contrebalance des évènements tragiques. Les dei ex machina se manifestent à plusieurs reprises relançant l’intrigue et la nourrissant. Les longs développements de nature philosophico-religieuse pourraient lasser le lecteur mais ils sont finalement indispensables à la compréhension du récit. Le style rappelle celui des romans utopiques et notamment celui de Thomas Moore. Frédéric Lenoir y fait l’étalage de son immense culture philosophique et théosophique. Je me suis laissé prendre par les aventures sans cesse renouvelées et passionnantes de Giovanni, ce jeune paysan calabrais devenu, au terme d’une extraordinaire rencontre avec la petite-fille du doge de Venise, un éminent astrologue et un aventurier téméraire. C’est à une véritable odyssée que nous convie Frédéric Lenoir ainsi qu’à une magistrale leçon d’histoire des religions. Un roman impressionnant que je recommande sans hésitation.


L’oracle della luna, de Frédéric Lenoir, Le livre de poche, mai 2008, 726 pages, 8 € 10.

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9 février 2014 7 09 /02 /février /2014 08:55

rejoins-la-meute.jpgSur son site, la librairie Lo-Païs de Draguignan a levé le voile sur la sortie de mon prochain polar dont l'illustration a été choisie hier et figure ci-contre. Les tons choisis par mon illustrateur, Frédéric LEFOL, sont volontairement sépia. Ils permettront une mise en valeur du texte de la première de couverture ( Titre, nom de l'auteur, de l'éditeur et de la collection ). Encore un bon mois avant la publication qui sera annoncée sur ce blog. Ce sera un polar au coeur des Cévennes dont vous trouverez le texte de quatrième de couverture dans l'article de Lo Païs en suivant le lien ci-dessous. 

 

http://www.lopais.com/events.php?blid=946#340556

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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 09:18

morse.jpgRompons quelques instants avec les polars écrits pour parler polars télévisuels. Le dimanche soir, la 3 nous gratifie depuis longtemps de feuilletons policiers, souvent britanniques dont certains sont de petites merveilles. Malheureusement, audimat oblige, les déprogrammations sont régulières. A titre d’exemple, je citerai cette excellente série écossaise qui porte le nom de son personnage principal, le détective Jackson Brody. Que voilà un personnage haut en couleurs, bien typé et qui crève l’écran ! Eh bien, il n’aura pas survécu à la troisième diffusion. Consolation : il a été remplacé par les aventures de l’inspecteur Morse, nouvelle version. Comme Mankell l’a fait avec son héros Wallander, les auteurs de la série nous gratifient d’un « Morse avant Morse ». Le tout jeune Morse, enquêteur affecté à la police criminelle d’Oxford, montre de réelles dispositions pour le métier et, s’il s’attire l’antipathie de bien des collègues, il suscite l’estime de son supérieur hiérarchique, l’inspecteur Thursday ( campé par Roger Allam ) qui le prend sous son aile et finit par en faire son adjoint. A la fin du premier épisode, le mentor dit à son jeune adjoint : « Ce qui compte, Morse, c’est de vous demander ce que vous serez dans vingt ans ». C’est alors que le jeune Morse, se regardant dans le rétroviseur, y aperçoit le visage du vieux Morse, celui de John Thaw dans la première version. Joli passage de témoin ! L’idée n’est pas mauvaise puisque la série s’en sort bien à l’audimat. Si je regrette la disparition du petit écran de la série « Jackson Brody », je me réjouis par contre du retour prochain d’une série qui, voilà un an, avait marqué les esprits et fait une apparition remarquée sur TF1. Je veux parler de « Falco » avec, dans le rôle principal, un Sagamore Stévenin étincelant auquel j’avais consacré une chronique sur ce même blog. De mon point de vue, c’est une série française qui pourrait rivaliser avec les séries britanniques. Falco présente quelques points communs avec Brody. Dans les séries anglaises, n’oublions pas le sacro-saint Barnaby qui a suivi, plusieurs années durant, son long cours tranquille, toujours sur la 3. Puisque, avec Jackson Brody, j’ai évoqué une série écossaise, je ne veux pas passer sous silence cet excellent feuilleton, écossais lui aussi, « Taggart » qui fut, il y a quelques années, diffusé également sur la 3. Cet inspecteur bougon, joué à la perfection par Mark MacManus, flanqué de son adjoint Mike Jardine, me plaisait beaucoup. Avec Brody, on hante les rues et la région d’Edimbourg. Avec Taggart, c’était la ville de Glasgow qui était sur le devant de la scène. Peut-être y a-t-il un peu de subjectivité chez moi qui éprouve une affection particulière pour l’Ecosse ? Cela n’enlève rien à ces séries réussies. A l’exception de Falco, toutes ces séries jouent sur l’association entre un « patron » à forte personnalité et un adjoint compétent mais soumis et qui fait souvent office de « tête de turc ». Ces duos fonctionnent à merveille, pour notre plus grand plaisir. Finalement, la production britannique est riche en valeurs sûres et, à mes yeux, tient la pôle position en matière de séries policières.

Les enquêtes de Morse, de Edward Balzagette, avec Shaun Evans et Roger Allam, le dimanche, sur FR3, à 20 h 45.

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3 février 2014 1 03 /02 /février /2014 08:57

108 0756Encore un petit extrait de "Portrait-robot", mon dernier polar. La suspecte, Marthe, a disparu dans la nature. Elle se terre quelque part dans la campagne autour de Draguignan. C'est elle qui se tient ce monologue. "Portrait-robot" est disponible en quelques jours sur commande chez un libraire, il peut être commandé sur le site des éditions L'Harmattan ou sur tout site marchand dans les mêmes délais.

 

 

Figanières, le 13 mai 2011,

 

    « Ils ne me trouveront pas de sitôt. Comment pourraient-ils deviner que je me cache ici ? Bastien lui-même n’en sait rien. Il peut leur raconter tout ce qu’il voudra. Lui non plus ne connaît rien de ma vie, ni de la sienne. Il ignore jusqu’à son existence. Je voulais tout lui dire, tout lui expliquer mais j’ai eu tort d’avoir confiance en lui. Il n’a pas connu ce que j’ai vécu, il ne peut pas comprendre. Témoigner ! Pourquoi donc ? Pour qu’ils m’identifient, qu’ils comprennent tout, qu’ils me suspectent et me suivent. Pour que je ne puisse plus m’approcher d’elle sans risque et qu’elle se retrouve seule, en danger. Bastien était en colère que je ne veuille pas témoigner mais il n’était pas question d’aller à la gendarmerie. Il m’a dit vouloir s’y rendre lui-même. Est-ce lui qui m’a dénoncé ? J’ai cru mourir en voyant mon portrait dans Var-Matin. Non, ce n’est pas lui. Il leur aurait donné une photo. Il a réussi à nous faire prendre en photo, contre mon gré… Quelqu’un a dû m’apercevoir et ils ont fait un portrait-robot d’après sa description. Un portrait tellement ressemblant que j’ai su immédiatement qu’on me reconnaîtrait. J’ai compris qu’il fallait disparaître. Non pas que j’aie peur mais je veux aller jusqu’au bout. Je suis si près du but ! Bastien était parti avec la camionnette à Aix. Heureusement qu’il y avait la moto ! Ils ne s’attendent pas à me trouver là-dessus. Avec le casque, je passe inaperçue. Ils pensent que je me déplace à pied et doivent me chercher dans Draguignan. Les imbéciles ! Il m’en a fallu du temps pour retrouver la maison. Davantage de temps encore pour les retrouver, eux qui ont détruit notre vie. Masclaux d’abord, le garagiste. Il croyait que tout était oublié, qu’il était tranquille pour toujours, qu’il pouvait couler des jours paisibles, que plus jamais personne ne viendrait lui demander des comptes. Il avait dû apprendre la mort des Laffont. Tous les journaux en avaient parlé. On avait vu leur visage à la télé. Il avait dû être soulagé, ce porc, se sentir rassuré.

    La maison est toujours là avec son seringa dont j’ai tout-de-suite reconnu l’odeur entêtante. C’était notre endroit préféré. Nous aimions nous y installer pour lire, sur le banc de bois. La vie était douce ici avant qu’ils ne viennent. Ils passaient pourtant de temps en temps à la maison. Notre père débouchait une bouteille de vin. Ils parlaient fort et ils riaient. Ils repartaient en titubant et en parlant encore plus fort. Masclaux a été le premier à tomber entre nos mains. Il ne fallait pas qu’il meure tout-de-suite, pas avant d’avoir avoué où habitaient ses complices. Sa femme était sortie. Il s’est laissé surprendre. Nous l’avons torturé, en prenant notre temps, pour contempler sa souffrance. Trente minutes ? Peut-être une heure ? Je ne me rappelle plus. Il a fini par céder. Il a donné l’adresse de ses complices. Il saignait de partout, comme un porc quand on l’égorge. Il se débattait sur sa chaise et chacun de ses cris déclenchait en nous une onde de plaisir. Nous avons tellement souffert !  Il hoquetait et il tremblait sous l’effet de la douleur mais sans doute aussi parce qu’il avait compris qu’il allait mourir. Il a supplié, trois fois, avant qu’elle ne lui tire une balle en plein front.

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2 février 2014 7 02 /02 /février /2014 14:07

travail-soigne.jpgJ’avais été subjugué par la lecture d’Alex et je dois admettre que «  Travail soigné » l’a dépassée en intensité. Je manque d’expressions assez fortes et suffisamment justes pour rendre compte de cette lecture dont je sors balancé entre deux sentiments contradictoires. D’une part, l’effroi glacial que provoquent le déroulement de l’intrigue et son dénouement  et, d’autre part, la sensation de bien-être que m’a procurée l’atmosphère de cette enquête hors normes. Pierre Lemaître sait jouer sur ces deux registres à la perfection. Le commandant Verhoeven et son équipe enquêtent sur des meurtres qui ont franchi les limites du supportable et, en même temps, ces investigations sont conduites dans l’ambiance très humaine et très sympathique d’une équipe atypique et attachante. Malgré l’horreur des crimes décrits avec force détails, on se sent bien dans l’atmosphère créée par Lemaître de la même façon qu’on se sent bien dans celle des polars de Fred Vargas. L’intrigue, complexe à souhait, est construite avec une implacable rigueur. Le temps de quelques chapitres, une fausse piste finit par s’arrêter et l’enquête se réoriente vers le véritable coupable que j’avais deviné assez tôt mais sans doute est-ce là le fruit de mon expérience d’auteur de polars. Pour autant, ce polar m’a tenu en haleine jusqu’au bout car le véritable dénouement ne survient qu’à quatre pages de la fin. Et ce dénouement est à la hauteur du reste du livre. Pierre Lemaître fait preuve d’une indéniable maîtrise non seulement dans l’art du suspense  mais aussi dans celui de l’écriture. Pas étonnant qu’il se soit vu décerner le Goncourt. A découvrir absolument.

Travail soigné, de Pierre Lemaître, Le livre de poche, novembre 2013, 408 pages, 7 € 10.  

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1 février 2014 6 01 /02 /février /2014 09:40

le christ jauneDans mon deuxième polar, "Le Christ jaune", j'avais voulu rendre hommage aux chiffonniers d'Emmaüs en situant un chapitre dans un de leurs dépôts situé en Normandie. A l'heure où l'on célèbre l'anniversaire de l'appel de l'abbé Pierre, l'extrait ci-dessous sera mon hommage à cet homme et à cette institution qu'il a fondée. Mon personnage principal est à la recherche de toiles anonymes pour le compte d'un mystérieux commanditaire. Si ces quelques lignes vous ont intéressés, vous pouvez commander ce polar en librairie, sur le site des éditions L'Harmattan ou sur Amazon.

 

 

"Le dépôt des Chiffonniers d’Emmaüs était situé à la sortie de la ville au sein d’une zone artisanale où les compagnons de l’Abbé Pierre avaient installé leur bric-à-brac dans un immense hangar qui tenait de la caverne d’Ali-Baba à ceci près que la majorité de ce qu’on y trouvait avait un air défraîchi propre à décourager les plus optimistes. Et pourtant, en dépit de l’heure assez matinale, les chalands étaient déjà nombreux à arpenter ce qui ressemblait à de vagues allées serpentant au milieu d’un amoncellement de choses hétéroclites : mobilier, outillage, vaisselle, matelas, vêtements, pièces de rechange, bimbeloterie et, là où les empilements d’objets respectaient une hauteur raisonnable, des tableaux et des gravures aussi disparates que le reste, accrochés par dizaines aux parois de tôle, formant un surprenant cimetière de la peinture. François Lemel dut déployer des trésors de souplesse et ne pas craindre d’exposer ses vêtements à la poussière ou, pire, aux risques d’accrocs, pour pouvoir s’approcher de ces œuvres, exposées là depuis des semaines, voire pour certaines depuis des mois comme autant de scories ou d’avatars d’une activité artistique ingrate et qui attendaient d’hypothétiques acquéreurs. Pourtant, le galeriste savait que certaines œuvres majeures avaient été retrouvées dans ce genre d’endroit après une errance invraisemblable. Il avait lui-même, dix ans plus tôt, récupéré ainsi, dans un dépôt-vente, l’un des inachevés de Rouault parmi la centaine encore en circulation.

 

Au terme d’un circuit difficile, il dut constater que la toile recherchée ne figurait pas au nombre des œuvres offertes au public et il se sentit gagné par un profond découragement. Avisant une sorte de bureau situé au centre du hangar qui devait faire office de caisse et de lieu d’information, il s’en approcha et interpella la matrone qui l’occupait et qui veillait, à l’aide d’une dizaine d’écrans, à la sécurité des lieux où les larcins devaient être monnaie courante.

 

- Tous vos tableaux sont-ils visibles ici ? demanda-t-il.

- Pourquoi me demandez-vous ça ? crut prudent de s’enquérir le cerbère, d’un air méfiant, craignant sans doute d’avoir à faire à un contrôleur quelconque qui aurait omis de se présenter.

- Parce que je cherche une toile précise dont je sais qu’elle vous a été donnée voici une dizaine d’années.

- Cela fait longtemps, s’exclama la femme apparemment rassurée et qui avait retrouvé un visage plus amène. S’il n’a pas été vendu et si vous êtes chanceux, il est peut-être dans la réserve qui se trouve à l’arrière du hangar. C’est là que nous stockons tous les objets que nous ne parvenons pas à vendre au bout de quelques années. Ensuite, ils sont détruits. Question de place ! Voyez avec le monsieur que vous apercevez là-bas, ajouta-t-elle en montrant du doigt un homme qui avait l’allure d’un superviseur.

 

L’homme le conduisit dans un second hangar, fermé à clef, à peine moins grand que le précédent dans lequel le bric-à-brac avait laissé la place à un fatras épouvantable où chaque mètre cube était compté. Lemel se demanda par quel miracle son guide allait pouvoir retrouver le tableau si convoité dans cet empilement d’objets aussi divers qui montait jusqu’à la charpente. Il fut stupéfait de découvrir, derrière cet environnement chaotique, l’ordre et la méthode avec lesquels ces hommes d’apparence fruste et aux antipodes des canons du management géraient leur fabuleuse nécropole d’objets mieux que ne l’aurait fait n’importe quel chef de rayon d’une grande surface. L’homme se dirigea vers un minuscule pupitre qui occupait le peu d’espace non dédié au rangement, consulta l’ordinateur  qui s’y trouvait et, pianotant avec une étonnante célérité, parvint à extraire  l’information attendue : « Les amoureux », huile sur toile, format 180 par 180, encadrement bois doré à la feuille…. B6, clama-t-il avant de disparaître comme une anguille dans une étroite fente à peine perceptible entre deux piles de tables encastrées les unes dans les autres. Au terme de quelques minutes, l’homme réapparut, se dirigea vers la seule paroi dégagée et, saisissant une manivelle, se mit à la manœuvrer, occasionnant ainsi un curieux mouvement de poulies et de  filins fixés à la charpente en un réseau complexe couvrant toute la surface du local. Soudain, Lemel vit apparaître, au-delà de l’empilement d’objets, un étrange paquet en carton tenu par une ficelle qui glissait inexorablement, pendu par un crochet à l’un des filins. Lorsque le colis fut parvenu au-dessus de leurs têtes, le serviteur d’Emmaüs manœuvra une seconde manivelle pour le faire descendre lentement jusqu’à eux.

 

-Il faudra que vous m’expliquiez, s’exclama Lemel, avec dans la voix une pointe d’admiration.

-C’est simple, répondit son guide, nous avons installé un système pour extraire et déplacer les objets comme vous avez pu le constater. Notre local est organisé comme un damier et nous notons dans l’inventaire les coordonnées du carré dans lequel a été stocké l’objet que nous recherchons. Ensuite, il suffit de l’atteindre en se faufilant dans un réseau de petites galeries que nous seuls connaissons par cœur et de le fixer à un crochet avant de le héler jusqu’ici.

 

Lemel s’en voulait d’être aussi tributaire de ses a priori et de n’avoir pu imaginer qu’au-delà des apparences, l’être humain, s’il lui arrivait à certains moments de toucher le fond de l’abîme, pouvait se révéler être une source d’émerveillement inépuisable. Ces hommes laissés sur le bord du chemin, recueillis à l’état d’épaves, portant en eux et sur eux les séquelles de leur passage en enfer, avaient déployé toutes les ressources de leur courage, de leur volonté et de leur intelligence au service d’une société qui les avaient broyés.

 

- Vous payerez à la caisse dans l’autre hangar, avait précisé celui qu’il fallait considérer comme le magasinier.

- Une sorte de conservateur dans son genre ! s’était plu à conclure intérieurement François Lemel qui avait entrepris de déballer fébrilement le paquet.

 

Le tableau était là devant lui, semblable à la photo du catalogue. Ringard à souhait comme il s’en doutait mais quelle importance ! La seconde étape de sa mission était accomplie. Un plaisir enfantin l’avait gagné, le rendant plus fébrile encore. Une minuscule étiquette collée sur le bord inférieur du cadre indiquait la somme de cinq cents francs. 

 

- Une mise d’à peine plus de soixante-dix euros pour un gain de cent mille euros, songea-t-il.

 

En tendant à la caissière le billet de cent euros, il en ressentait presque un sentiment de honte.

 

-  Gardez tout, se crut-il obligé de préciser.

- Qu’est-ce qu’il a donc de si extraordinaire ce tableau, demanda la mégère qui avait retrouvé un peu de son air méfiant.

- Il a appartenu aux parents de mon épouse, mentit Lemel, de plus en plus mal à l’aise et pressé de quitter l’endroit.

- Vous êtes marié à une fille Flamant ? poursuivit la caissière qui venait de consulter son écran d’ordinateur sur lequel s’étaient affichés les renseignements transmis par le magasinier. Sa femme nous a donné une tonne de choses dont elle voulait se débarrasser et surtout des tableaux. Son mari devait être un fou de peinture. On en a liquidé à peine la moitié. Comment voulez-vous vendre ça ? Personne ne veut s’encombrer d’un pareil volume. Sauf vous mais ça se comprend. Le père Flamant était un marchand de bestiaux bien connu dans le coin. Je croyais qu’il n’avait eu que des garçons !

 

François Lemel ne savait que dire. Sa gorge se nouait et il eut peur que sa confusion se lise sur son visage. Après avoir bafouillé un vague au revoir, il s’éloigna à grands pas, tenant à bout de bras son encombrant tableau.

 

En regagnant le taxi qui l’attendait, le galeriste eut une pensée pour la vieille femme qui traînait sa solitude et sa rancœur au fond de son mouroir. Il revit aussi les visages marqués par la vie qu’il avait côtoyés quelques instants auparavant. Il songea au magasinier et à son étonnante mécanique. A cette mégère impressionnante dont la redoutable mémoire l’avait contraint à fuir. Il pensa au contraste entre sa perception initiale des choses et le cinglant démenti que la réalité lui avait infligé. Il  venait de traverser un univers qui avait remis en cause ses représentations, une autre organisation de la société qui l’avait déstabilisé. Il avait hâte de retrouver son monde et ses repères.

 

Il avait fallu, sous le regard effrayé du chauffeur de taxi, démonter la toile de son châssis et l’enrouler soigneusement pour qu’elle consentît à entrer sans encombres dans l’habitable du véhicule. Il restait ensuite à l’acheminer jusqu’à Saint-Tropez en évitant tout risque de dégradation."

 

 

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29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 17:53

Le commissaire Payardelle qui est le personnage central de "Rejoins la meute" est promis à devenir un personnage récurrent. Après l'avoir mis en scène dans les Cévennes, je le conduis cette fois à enquêter sur la Côte d'Azur. Payardelle et son équipe feront l'objet de l'illustration réalisée par Frédéric Lefol pour "Rejoins la meute" et que j'aurai sans doute prochainement l'occasion de vous dévoiler. Ce sixième manuscrit n'a pas encore de titre.

 

Sainte-Maxime, le 26 juillet 2011, 14 heures,

 

    Théo Payardelle ne supportait pas la Côte d’Azur. L’unique raison qui l’avait poussé à accepter la demande de Jouve résidait dans la seule idée recevable à ses yeux : la perspective de retrouver son équipe fétiche, ses mousquetaires comme il se plaisait à les nommer. Un an après leur escapade dans les Cévennes, il reconstituait l’équipe gagnante que formaient Marthe, Marco et César, ses comparses si précieux pour ces enquêtes un peu spéciales que lui confiait le nouveau patron de la DCRI. Car Jouve avait pris du galon. La réussite de leur enquête cévenole et, dans la foulée, le succès des négociations pour la signature d’une convention de partenariat entre la France et l’Angleterre lui avaient valu d’être promu directeur général.

    Jouve l’avait reçu, une fois de plus, dans son bureau à l’ambiance feutrée pour lui apprendre que la fille du ministre de l’intérieur venait d’être assassinée dans le Var, alors qu’elle passait quelques jours de vacances à Sainte-Maxime. Théo était déjà au courant de l’information qui n’avait plus rien de confidentiel depuis que les journaux de la veille l’avaient largement rapportée et abondamment commentée dans leurs colonnes. Cette regrettable conjonction entre les agissements d’un tueur en série et une escapade de la fille de son ministre sur la Côte avait eu raison de ses congés parisiens, les premiers qu’il s’octroyait depuis plus de deux ans.

    - Vous prendrez une quinzaine de jours en octobre ! lui avait déclaré Jouve, comme si cette idée pouvait suffire à le consoler de devoir embarquer dès le lendemain dans le premier TGV pour Saint-Raphaël.

    Outre le fait de retrouver ses équipiers, il devait bien y avoir aussi, dans sa décision de répondre favorablement à la sollicitation de Jouve, quelque chose comme la perspective de fuir un temps la capitale devenue trop étouffante, avec la chaleur qui sévissait depuis une dizaine de jours. La canicule n’était supportable que dans le Midi, là où elle avait sa place normale, au bord de la mer, là où se concentraient les estivants avides de soleil et de chaleur. Pas à Paris où l’on transpirait jusque tard dans la nuit, dans un appartement cossu, certes, mais dont le seul élément de confort absent était précisément la climatisation. La seule solution était d’enfiler une chemisette, un pantalon léger et d’aller se vautrer à une terrasse, quelque part sur les quais, histoire d’attendre que, passé minuit, l’air qui montait de la Seine vous apporte un semblant de fraîcheur.

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27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 14:31

noel-aux-cinq-destins.jpgJe fais une entorse à la thématique de ce blog consacré aux polars pour évoquer une recueil de nouvelles que j’ai largement entamé ( Une des quelques parenthèses que je m’octroie au milieu de ma pile de polars ). Ce recueil de nouvelles s’intitule « Noël aux cinq destins ». Chacun l’aura compris : il s’agit de l’évocation de cinq personnages, cinq destins qui s’articulent autour de la fête de Noël. Pour parler de ce livre, j’évoquerai simplement la première de ces nouvelles, intitulée « Madame Anna ». C’est l’histoire pathétique et touchante d’une vieille dame qui vit seule dans un quartier où chacun se perd en conjonctures sur cette voisine âgée, solitaire et secrète A la veille de Noël, madame Anna qui vit avec son chagrin depuis que son fils a coupé les ponts avec elle, accueille chez elle un couple dont la femme est sur le point d’accoucher. L’histoire est émouvante. Ecrite dans un style simple mais ciselé, cette nouvelle porte l’empreinte d’une grande sensibilité et d’un réel talent. Les nouvelles qui suivent sont à l’avenant. « Noël aux cinq destins » est un agréable passe-temps que je recommande à ceux qui aiment les récits bien écrits qui narrent des histoires simples et touchantes. A découvrir.

Noël aux cinq destins, de Reine Cioulachtjian, Les Deux encres éditeur, octobre 2013 , 159 pages, 16€.

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27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 12:08

J’évoque régulièrement mon activité d’écriture mais il m’arrive aussi de m’intéresser à celles des autres. Certaines initiatives originales méritent qu’on leur accorde un coup de projecteur. C’est le cas de l’entreprise de François Vinsot sur tweeter. Le Roman sans titre est une tentative d’écriture originale et réussie qui consiste, chaque jour, à publier, chacun en un maximum de 140 caractères, une dizaine de tweets qui, s’ajoutant les uns aux autres, au fil des jours, donnent un texte suivi, une sorte de jeu du cadavre exquis qui engendrent une suite étonnante, une fable aux accents surréalistes, un roman au final, à teneur certes narrative mais aussi philosophique, où une certaine forme d’humour a toute sa place. François Vinsot joue avec les idées et avec la langue, mettant les deux en interaction pour donner une histoire finalement intéressante. On retrouve dans ses textes quelque chose qui pourrait s’apparenter au style de Georges Bataille ou, en tout cas, à sa conception de l’écriture. Je vous invite à vous rendre sur sa page tweeter où il publie chaque jour, à 7 heures, dix tweets et, en fin de semaine, le saùmedi, une récapitulation. Il en est actuellemnt à 900 tweets. Un feuilleton jubilatoire auquel vous risquez de devenir « accros ».

https://twitter.com/francoisVinsot

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26 janvier 2014 7 26 /01 /janvier /2014 11:41

meurtres-a-la-romaine.jpgL’intrigue a pour cadre la Villa Médicis à Rome, peuplée et fréquentée par une faune très particulière, encline à tous les excès. Un premier meurtre est découvert dans les souterrains de la Villa, puis les crimes s’enchaînent accompagnés d’un curieux rituel culinaire. Des enfants Rom à l’abandon sont à la fois instruments de mort et victimes. L’inspecteur Carlo Barone qui vient d’être muté dans la capitale italienne est chargé de l’enquête sous les ordres du fantasque commissaire Dannunzio. Il est épaulé par une équipe non moins originale et hétéroclite. Tout ce beau monde va se croiser et se recroiser, mêler ses passions et ses aversions, côtoyer et affronter les fantasmes et les névroses des uns et des autres sur fond de meurtres en série plus glauque l’un, plus glauque l’autre. L’art joue, bien sûr, un rôle central dans cette fresque « grandguignolesque ». Je ne suis pas sûr que tout le monde puisse accrocher à une telle histoire et surtout à l’atmosphère trash créée par les sœurs Veaute. Pour autant, je me suis laissé entraîner au fil d’une intrigue que j’ai trouvée intéressante. C’est une enquête sur fond de Grand guignol, une histoire surréaliste qui se laisse néanmoins déguster. Un coup de cœur moyen cependant.

 

Meurtres à la romaine, de C et M Veaute, Editions Le Masque, mai 2013, 470 pages, 7€ 20.

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