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28 novembre 2017 2 28 /11 /novembre /2017 07:40

Dans « Hôtel du grand cerf », on retrouve l’humour et le goût de Franz Bartelt pour les histoires un peu décalées mais tellement bien construites et si savoureuses. Quelque part au cœur de la forêt ardennaise, dans un lieu incertain, sur cette frontière qui unit plus qu’elle ne sépare deux pays qui appartiennent à la même terre d’Ardenne, se trouve l’hôtel du grand cerf, un lieu lui aussi incertain, suranné, à l’aménagement et à l’ambiance vintages, où le temps semble s’être arrêté depuis le tournage, quelques décennies plus tôt, d’un film au cours duquel une star de l’époque, Rosa Gulingen, a trouvé la mort. Mort accidentelle ou meurtre, c’est la question que se pose un producteur parisien qui souhaite réaliser un documentaire sur l’affaire et envoie sur place un journaliste chargé de faire la lumière sur ce décès mystérieux. Surviennent très vite deux meurtres et une disparition. Si les gendarmes se mobilisent, c’est un policier qui va diriger les investigations, un personnage rabelaisien au patronyme improbable, Vertigo Kulbertus, dont le côté totalement déjanté va faire le charme de cette enquête complexe et rocambolesque. L’imbroglio se renforce avec la survenue de nouveaux meurtres. La sympathie et la collaboration qui unissent très vite Vertigo Kulbertus et le journaliste Nicolas Tèque structurent une enquête passionnante à souhait et rendue encore plus attrayante par la truculence de Kulbertus.

On retrouve dans ce roman le talent de Franz Bartelt, synthèse d’une écriture ciselée comme un joyau d’orfèvrerie et d’une imagination audacieuse que ce soit du point de vue du récit ou des personnages. Le suspense est garanti jusqu’au dénouement.

Mais, au-delà d’un polar réussi, ce roman est aussi puissant par l’évocation d’un pays que je connais bien, où je suis né, où j’ai vécu et dont on sent que Franz Bartelt possède l’âme pour la restituer dans tous ses aspects. A tous moments, j’ai reconnu la forêt des Ardennes, son caractère mystérieux et envoûtant ; j’ai humé le parfum des sapins, de la bruyère et de la terre tourbeuse ; j’ai vu se dessiner sous les roues du taxi de Sylvie le long ruban goudronné et rectiligne qui fend la masse compacte des hautes fûtaies pour relier des villages isolés dans la forêt ; j’ai imaginé le cours sinueux de la Semois au fond d’une étroite vallée écrasée par la verdure ; par instants, j’ai ressenti le goût de la madeleine de Proust en me retrouvant à l’hôtel de la poste à Bouillon, dégustant une tranche de pain cramique devant une tasse de chocolat chaud ou, de la même façon, je me suis vu à Dinant sur les bords de la Meuse, dégustant une Chouffe bien fraîche en compagnie de Vertigo Kulbertus.

Ce que l’on ressent à la lecture de ce roman se situe finalement au-delà des mots. Jetez-vous sur ce livre, vous passerez quelques heures d’un plaisir ineffable.

Hôtel du grand cerf, de Franz Bartelt, éditions du Seuil, coll. Cadre noir, mai 2017, 346 pages, 20 €.

 

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